Restauration de tableaux : Le métier du sur-mesure


Dans Culture
Lucy Bril

Photos : Artbeeconservation.com

À l’approche de Noël, Eleni Markopoulou s’applique sur ses dernières commandes afin qu’elles se retrouvent à temps sous les sapins. Dans le silence apaisant de son atelier, entourée de peintures poussiéreuses superposées, elle nettoie avec délicatesse la couche picturale d’une toile représentant une scène champêtre.

Eleni confère une nouvelle vie aux tableaux endommagés depuis 2006. « Chaque nouvelle œuvre permet la découverte d’un artiste et d’une histoire particulière. Même si certaines n’ont pas beaucoup de valeur, je n’y reste jamais indifférente », confie-t-elle.

Elle se réjouit de la diversité de styles des toiles passant entre ses mains et se dédie cette semaine à la rénovation de plafonds de manèges du XIXe siècle, d’un abstrait supposé représenter un chien, et d’une massive illustration de Jésus dans un temple, datée de 1756.

Une vaste palette

L’atelier d’Eleni comporte un mur entier de solvants : gels, toiles en gaze, outils variés… Pourtant, elle avoue préférer l'attirail basique : pinceau et coton. « Il y a un aspect très personnel lié à la technique » : chaque restaurateur évolue à sa manière, à l’aide de la classique brosse au plus élaboré papier japonais.

Selon le tableau face à elle, Eleni mélange plusieurs substances spécifiques, en fonction des besoins à remplir : vernir, rendre une texture, éliminer les craquelures, décrasser… Aucune solution toute prête n’existe, car le dosage varie également selon le degré de vieillissement de la peinture : certaines survivent mieux au temps que d’autres, et se montrent plus ou moins résistantes aux produits abrasifs.

« Les restaurateurs renvoient souvent une image du métier très romantique », sourit Eleni.., « Cependant, ma profession requiert  des connaissances pointues dans divers domaines, dont la chimie ».   

bril1Avant de toucher à une œuvre, un long devis s’impose, afin d’analyser l’ampleur des retouches et d’en estimer le coût de manière juste pour les clients. Ensuite, lors de la rénovation, l’ordinateur d’Eleni ne siège jamais bien loin : elle documente, photos à l’appui, chaque étape de la transformation, en mentionnant les produits utilisés, ou les éventuelles difficultés rencontrées. Le rapport se révèle apprécié par les particuliers, et obligatoire pour les musées et galeries, nécessitant la biographie de leurs trésors.

Une fin d’année bien garnie

« Le métier demande une force mentale constante, mais la charge de travail devient insoutenable fin décembre ». Hormis les commandes de particuliers, les musées réquisitionnent également l’expertise d’Eleni afin de donner une nouvelle jeunesse à certaines de leurs œuvres lorsqu’il leur reste un peu d’argent sur le budget annuel. Les églises aussi demandent un rafraîchissement de leurs peintures et crèches, en vue de célébrer Noël promptement. Ainsi, décembre annonce un enchaînement de nuits blanches pour la restauratrice, déterminée à respecter toutes ses deadlines.

Le dernier cadeau de Noël sur lequel Eleni va se pencher nécessitera un sapin particulièrement haut pour accueillir ses généreuses dimensions : deux mètres de large sur trois de long. « Il faudra sans doute plusieurs déménageurs pour le transporter ! » constate-t-elle amusée.

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